Tuesday, March 29, 2016

De grands chantiers d'affolement

Translating Verhaeren is beyond my skill, and so I forced myself to do it. I've never been wise.

The Corpse,
by Émile Verhaeren.

In her dress the colour of bile and poison, the corpse of my reason is dragged along the Thames.
The bridges of bronze, where the carriages bang together with an interminable sound of hinges, and the sails of dark boats, let their shadows fall upon her. Without a moving handle on its clock face, a tall belfry masked in red stares at her like someone immensely [preoccupied?] with death and sorrow.

She died from having known too much, from having wanted too much to sculpt the motive, on the pedestal of black stone, of every being and of every thing; she died, atrociously, from an expert empoisoning; she died, as well, from a delirium for [towards] an absurd and red empire. Her nerves had burst, on some bright evening of celebration, when she felt its triumph drift, like eagles, over its head. She died not being able to take any more, with her ardours and desires crushed; infinitely exhausted, she killed herself.
Along the funereal walls, along the iron foundries where the hammers beat out sparks, she is dragged to the funeral.

These are wharves and barracks, always wharves and their lanterns, unmoving and slow spinners of dim gold from their lights; these are sadnesses of stone, a brick house, a castle keep of black where the windows, glum eyelids, open to the fog of night; these are vast marinas of insanity, full of dismantled boats and of sail yards docked against a sky of crucifixion.

In her dress of dead jewels that solemnizes the horizon's hour of purple, the corpse of my reason is dragged along the Thames.

She moves toward the perils in the depths of shadows and fog, to the long, dull noise of heavy bells breaking their wings at steeple corners. Unfulfilled, leaving behind her the great city of life, she heads for the black unknown, to sleep in the tombs of the night, down there, where the slow, strong waves, opening their limitless pits, swallow, for all eternity, the dead.
- - - - -

La Morte,
Émile Verhaeren.

En sa robe, couleur de fiel et de poison,
Le cadavre de ma raison
Traîne sur la Tamise.

Des ponts de bronze, où les wagons
Entrechoquent d'interminables bruits de gonds
Et des voiles de bateaux sombres
Laissent sur elle, choir leurs ombres,
Sans qu'une aiguille, à son cadran, ne bouge,
Un grand beffroi masqué de rouge
La regarde, comme quelqu'un
Immensément de triste et de défunt.

Elle est morte de trop savoir,
De trop vouloir sculpter la cause,
Dans le socle de granit noir,
De chaque être et de chaque chose,
Elle est morte, atrocement,
D'un savant empoisonnement,
Elle est morte aussi d'un délire
Vers un absurde et rouge empire
Ses nerfs ont éclaté,
Tel soir illuminé de fête,
Qu'elle sentait déjà le triomphe flotter
Comme des aigles, sur sa tête.
Elle est morte n'en pouvant plus,
L'ardeur et les vouloirs moulus,
Et c'est elle qui s'est tuée,
Infiniment exténuée.

Au long des funèbres murailles,
Au long des usines de fer
Dont les marteaux tonnent l'éclair,
Elle se traîne aux funérailles.

Ce sont des quais et des casernes,
Des quais toujours et leurs lanternes,
Immobiles et lentes filandières
Des ors obscurs de leurs lumières
Ce sont des tristesses de pierres,
Maison de briques, donjon en noir
Dont les vitres, mornes paupières,
S'ouvrent dans le brouillard du soir;
Ce sont de grands chantiers d'affolement,
Pleins de barques démantelées
Et de vergues écartelées
Sur un ciel de crucifiement.

En sa robe de joyaux morts, que solennise
L'heure de pourpre à l'horizon,
Le cadavre de ma raison
Traîne sur la Tamise.

Elle s'en va vers les hasards
Au fond de l'ombre et des brouillards,
Au long bruit sourd des tocsins lourds,
Cassant leur aile, au coin des tours.
Derrière elle, laissant inassouvie
La ville immense de la vie;
Elle s'en va vers l'inconnu noir
Dormir en des tombeaux de soir.
Là-bas, où les vagues lentes et fortes,
Ouvrant leurs trous illimités,
Engloutissent à toute éternité
Les mortes.

- - - - -

From
POÈMES, by Émile Verhaeren.
Mercure de France, Paris, 1917.

No comments: